DISTRIBUTION (économie)

DISTRIBUTION (économie)
DISTRIBUTION (économie)

Pour la Chambre de commerce internationale, la distribution est «le stade qui suit celui de la production des biens à partir du moment où ils sont commercialisés jusqu’à leur prise en possession par le consommateur ou l’utilisateur final. Elle comprend les diverses activités et opérations qui assurent la mise à disposition des acheteurs, qu’ils soient transformateurs ou consommateurs, des marchandises ou services en leur facilitant le choix, l’acquisition ou l’usage». D’une façon générale, sa fonction est ainsi d’organiser le déplacement du bien ou du service dans l’espace et dans le temps.

Avec le développement des économies et l’avènement de la production de masse, les lieux de production ont eu de plus en plus tendance à s’éloigner des lieux de consommation. L’acheminement de la marchandise suppose donc l’existence de «canaux» susceptibles d’assurer la disponibilité physique des marchandises pour les consommateurs. Au surplus, cette disponibilité doit être assurée selon certains impératifs temporels: en permanence, rapidement... Cela pose bien sûr des problèmes de stockage, de délai, de conditionnement. Atteindre l’ensemble de ces objectifs nécessite donc un travail supplémentaire par rapport aux premiers temps de la division du travail, où les producteurs étaient proches des consommateurs et utilisateurs. Ce travail supplémentaire peut être pris en charge soit par le producteur, soit par le consommateur. Mais, très vite, des intermédiaires apparaissent, se spécialisant dans une ou plusieurs fonctions de distribution de plus en plus nombreuses et complexes. Ainsi, la distribution devient une activité macroéconomique ayant ses entreprises spécialisées, ses circuits, ses institutions.

Comme le précise l’Institut du commerce et de la consommation, «les entreprises de vente produisent des “biens immatériels”, invisibles mais indispensables à l’accompagnement du bien matériel pour la satisfaction des consommateurs: sélection de l’assortiment, achat, transport, stockage, conditionnement, exposition, information, service après-vente. La production de ces biens immatériels représente une valeur ajoutée, au même titre que la transformation physique d’un produit pour les entreprises de fabrication. Le commerce est une industrie de la vente, qui participe avec les fabricants, les transporteurs, les sociétés de service, à l’assemblage du “produit fini”» (produit matériel, service immatériel) mis à la disposition du consommateur. En 1990, cette production représente près de 12 p. 100 de la valeur ajoutée totale des branches marchandes et non marchandes en France.»

La distribution ne joue pas un rôle passif dans l’ajustement entre l’offre des producteurs et la demande des consommateurs et utilisateurs. Les distributeurs peuvent en effet peser sur les producteurs, jouer vis-à-vis d’eux un rôle d’orientation ou de stimulation et parfois même intervenir dans leurs choix. Pareillement, ils peuvent influencer les consommateurs, dont ils sont proches, ou, au contraire, s’adapter à leurs désirs ou subir leurs pressions. Cette évolution des relations entre agents économiques a eu de nombreuses répercussions sur les méthodes de gestion et les canaux de distribution. La modification des rapports de pouvoir entre producteurs et distributeurs a entraîné à la fois des changements dans les techniques de distribution et des conflits entre ces agents. Ces conflits portent essentiellement sur la répartition, le financement et la rémunération des activités de distribution. Désormais, le choix du mode de distribution est l’une des décisions stratégiques les plus cruciales pour le producteur: les différents canaux qui s’offrent à lui n’ont pas le même coût, ne remplissent pas les mêmes fonctions, n’ont pas la même capacité de distribution, ne touchent pas le même nombre ni le même type de consommateurs et n’ont pas les mêmes exigences.

De cette façon se crée aussi une concurrence entre les distributeurs. Celle-ci se traduit par la transformation des formes de distribution existantes et la création de nouveaux types. L’évolution de la distribution n’est donc pas uniforme. Le secteur traditionnel souffre de l’apparition d’une distribution moderne, notamment de grandes surfaces de vente plus aptes à écouler une production de masse et à négocier avec le producteur.

1. Définitions

Distribution, commerce, services à caractère commercial

La distinction entre distribution et commerce n’est pas aisée. Les termes sont souvent utilisés l’un pour l’autre dans le langage courant. Mais, si la plupart des commerçants exercent à titre principal une activité de distribution, certains d’entre eux, tels les boulangers, les charcutiers, certains vendeurs de vêtements, peuvent avoir simultanément une activité de production généralement artisanale. On appelle aussi «commerçants» certains prestataires de service (hôteliers, cafetiers, restaurateurs, coiffeurs, blanchisseurs et teinturiers...).

Par souci de simplification, on distinguera, au sein des activités commerciales, le secteur de la distribution, où les agents fournissent des services pour mettre un bien déjà produit à la disposition du consommateur ou de l’utilisateur, et le secteur des services à caractère commercial regroupant les entreprises qui ont pour activité principale non pas la distribution d’un bien mais la fourniture d’un service (coiffeurs, blanchisseurs, réparateurs automobiles...). Deux critères fondamentaux doivent être retenus: celui d’«achat-revente en l’état», qui permet de différencier le commerçant au sens économique du prestataire de services ou du producteur, et celui d’«activité principale», qui permet de classer l’entreprise dans le cas où elle exerce d’autres activités que celles propres à la distribution. Notons enfin qu’il existe des intermédiaires du commerce prenant en charge certaines opérations de distribution pour le compte de commerçants ou de producteurs, tels que les commissionnaires, les groupements d’achats, les agents ou les courtiers.

Circuits, canaux de distribution

La confusion entre les deux termes «circuits» et «canaux» de distribution est également fréquente, tant dans le langage courant que dans nombre d’écrits spécialisés. Pourtant, le concept de circuit devrait être pris dans une acception plus large que celui de canal. Un canal de distribution peut être défini comme la succession d’intermédiaires qui se transmettent la propriété d’un bien pour que celui-ci soit acheminé du producteur au consommateur. Un circuit de distribution d’une catégorie de produits est constitué par l’ensemble des canaux utilisés pour distribuer le bien. C’est ainsi que l’on pourra observer le circuit de distribution de la viande, de l’habillement, des jouets. Un bien donné, le jouet par exemple, pourra être vendu en partie par le canal des grossistes et petits détaillants, en partie par le canal des centrales d’achat et des grandes surfaces, en partie par le canal de la vente par catalogue. L’usage conduit toutefois à utiliser les expressions «circuit long» ou «circuit court» pour caractériser le nombre d’intermédiaires par lesquels passe la marchandise, alors qu’il faudrait, logiquement, employer le terme exact: «canal».

On distingue traditionnellement plusieurs structures de canaux de distribution:

– La structure la plus courte relie directement producteur et consommateur. C’est le «circuit extracourt» dans la terminologie usuelle ou encore ce que l’on nomme «vente directe»: il n’y a pas d’intermédiaires. Dans ce cas, le producteur peut utiliser plusieurs formes de vente: envoi d’un catalogue ou d’un dépliant (mailing ) chez le client, appel téléphonique par des «télévendeurs», visite à domicile par des représentants, délégués, démarcheurs, ou encore vente au bord de la route ou sur les marchés, en magasins d’usine...

– La structure de distribution à trois niveaux, «producteur-commerçant-consommateur», comprenant donc un seul intermédiaire, est appelée «circuit court». Le commerçant peut être un détaillant (par exemple, un magasin franchisé distribuant des produits du producteur), un grossiste (vendant, par exemple, aux collectivités) ou encore une entreprise de distribution assurant les deux fonctions, gros et détail (cas du commerce concentré où l’entreprise possède, par exemple, sa centrale d’achat et ses hyper-et supermarchés).

– La structure de distribution à quatre niveaux, le «circuit long», est composée de deux intermédiaires: le grossiste et le détaillant. Cette structure traditionnelle peut être plus longue avec l’intervention d’autres intermédiaires, les semi-grossistes par exemple.

Il existe dans la réalité de nombreuses variantes qui ne se réduisent pas à ces modèles. Par exemple, M. Filser distingue quatre types de canaux de distribution: les canaux traditionnels, où chaque membre du canal est indépendant; les canaux administrés, où, pour éviter certaines conséquences de l’inorganisation du canal (absence d’économies d’échelle, goulets d’étranglement, écarts de productivité, surstockage et ruptures...), un ou plusieurs membres du canal influencent les autres membres; les canaux contractuels, où les relations entre les membres sont assises sur des bases contractuelles explicites (chaînes volontaires, coopératives, franchises); les canaux intégrés, où un membre prend en charge toutes les fonctions, de l’achat aux producteurs (ou de la production elle-même) jusqu’à la livraison aux consommateurs.

Certaines études récentes définissent la structure d’un canal comme «la façon selon laquelle un ensemble de tâches de distribution a été alloué aux membres du canal» (B. Rosenbloom). Deux types de structure sont alors distingués: la structure principale inclut les participants qui assurent les fonctions de négociation, d’achat, de vente et de transfert du titre de propriété; la structure auxiliaire est définie comme «la façon selon laquelle un ensemble de tâches de distribution (excepté l’achat, la vente et le transfert du titre) a été alloué aux participants non membres du canal». Ces derniers fournissent en quelque sorte des services aux membres du canal. En mettant l’accent sur les opérations de distribution, cette conception permet une meilleure représentation des canaux, quels que soient le nombre de leurs niveaux ou leur degré de complexité; toutefois, elle n’explique pas les raisons de la formation d’une structure donnée d’un canal. Certains auteurs considèrent qu’un canal de distribution est une partie d’un «système complexe qui a évolué à partir de forces sociales et culturelles afin de faciliter les transactions d’échange et de consommation, et est soumis à des contraintes légales, économiques, sociales et politiques» (R. Michman). Le canal est alors analysé comme un système comportemental à partir de la personnalité et du comportement de ses membres; un système social, en étudiant les relations de pouvoir, de communication, les rôles, la coopération et les conflits; un système économique, en se centrant sur les problèmes de productivité, de concurrence entre canaux, etc.; un système écologique, où l’on prendra en compte l’ensemble des forces de l’environnement, les buts multiples, notamment qualitatifs, qu’il doit poursuivre (coûts sociaux...); enfin un système «managérial», en examinant les politiques suivies par les firmes le composant. Cette approche systémique des canaux de distribution permet d’expliquer leur fonctionnement et leur dynamique.

Distribution physique

La distribution physique des produits, au sens propre, est l’acheminement des marchandises des lieux de production aux lieux de consommation. Elle comprend les opérations de manutention, stockage, transport et installation en magasin. Cette définition est toutefois assez descriptive: elle ne considère que le flux de biens et ignore les problèmes relatifs à cette activité, notamment les contraintes de temps, de coût, de contrôle... On considère généralement que la distribution exige la gestion de quatre flux: flux de biens, flux de propriété (transmission de propriété), flux financier et flux d’information, qui décrit comment sont transmises les informations aux différents membres du canal et aux consommateurs. Chacun de ces flux entraîne de nombreuses opérations matérielles. La logistique commerciale est la fonction qui consiste à planifier, mettre en œuvre et contrôler l’ensemble des opérations matérielles relatives au flux de biens ou accompagnant celui-ci depuis leur lieu de production jusqu’à leur lieu de consommation. La logistique est donc une source importante de productivité, mais elle est aussi au centre de rapports parfois conflictuels, parfois coopératifs entre producteurs et distributeurs. C’est un des secteurs de la distribution où les progrès technologiques ont été le plus nombreux et ont eu le plus d’impact ces dix dernières années (contrôle et pilotage automatique des expéditions, plate-forme automatisée, stockage vertical à gestion informatisée, étiquetage automatique, lecture optique aux caisses [«scannérisation»], paiement électronique, échanges de données informatisées).

Politique de distribution

Pour un fabricant, la politique de distribution consiste à fixer des objectifs à atteindre et des moyens à utiliser dans la distribution des produits ou services qu’il offre. Elle comprend des décisions relatives au choix des canaux de distribution et aux méthodes d’animation, de stimulation des membres du canal et de gestion des opérations de distribution. La politique de distribution est inséparable des politiques de prix, de communication (publicité, promotion, relations publiques...) et de produit (choix et positionnement des gammes et des lignes) suivies par l’entreprise. Le concept de «marketing-mix» exprime cet impératif de cohérence entre les différents moyens d’action de la stratégie commerciale de l’entreprise: prix, produit, communication, distribution.

La politique de distribution revêt une importance partriculière pour l’entreprise en raison de l’inertie des choix opérés dans ce domaine: on ne modifie pas un circuit de distribution aussi facilement qu’une campagne de publicité ou un prix. Plusieurs facteurs vont jouer un rôle prépondérant dans le choix d’un canal de distribution: sa sélectivité (choix du canal permettant d’attendre la cible de consommateurs visés), sa puissance (capacité à couvrir l’ensemble du territoire nécessaire), le contrôle qu’il autorise (capacité d’intervention sur les distributeurs), sa convertibilité (capacité d’évolution), la compétence des intermédiaires et la possibilité pour le fabricant de leur déléguer des fonctions, la répartition des marges (rémunération à allouer au distributeur en fonction de sa valeur ajoutée), la compatibilité avec d’autres formes de distribution (par exemple, une même marque distribuée à des conditions différentes par plusieurs canaux peut se voir rejetée par les distributeurs qui n’ont pas obtenu les conditions les plus avantageuses).

2. Fonctions de la distribution

Fonctions classiques

L’appareil de distribution remplit un certain nombre de fonctions classiques:

– achat aux producteurs des produits demandés par la clientèle;

– transport des marchandises des lieux de production aux lieux de consommation;

– fractionnement des quantités importantes livrées par le producteur en lots plus réduits convenant aux consommateurs;

– assortiment réunissant dans un même point de vente les lignes et gammes de produits afin d’offrir à l’acheteur un choix satisfaisant;

– allotissement (ou regroupage) consistant à regrouper des lots dispersés de produits;

– stockage des produits aux niveaux intermédiaires de la distribution, en attente d’être présentés aux points de vente;

– mise à la disposition et présentation matérielle des produits au point de vente;

– vente aux consommateurs;

– services annexes tels que livraison à domicile, installation des articles, service après-vente, aides au financement, information du consommateur.

Dans les circuits traditionnels, ces fonctions sont prises en charge par deux types d’intermédiaires: les grossistes et les détaillants.

La fonction de gros assure la liaison entre le producteur et le détaillant. Le grossiste achète en grosse quantité, stocke, transporte, fractionne pour revendre aux détaillants. Il évite au producteur de se trouver confronté directement à un trop grand nombre de détaillants lui commandant trop souvent des quantités trop faibles, nécessitant des opérations trop nombreuses de transport, de manutention, de facturation. En fait, lorsqu’il joue son rôle, le grossiste permet une meilleure régulation de la distribution car il prend en charge et assure dans de meilleures conditions certaines fonctions peu rentables pour le producteur. C’est alors un intermédiaire spécialisé permettant au producteur de mieux planifier sa production, de supporter moins de stocks, d’obtenir un financement plus rapide de sa production, de diminuer ses frais de prospection, de livraison. Parallèlement, il fait bénéficier le détaillant de prix plus attractifs grâce à sa capacité de commande, fractionne la marchandise en quantités adaptées pour celui-ci, joue le rôle d’acheteur, prospectant les fournisseurs et offrant un assortiment de produits que le détaillant isolé ne pourrait constituer, allège les tâches administratives du détaillant.

Le rôle des détaillants est de vendre directement les produits aux particuliers. Les consommateurs recherchent dans leur achat une information sur les produits, une certaine commodité d’accès (proximité du point de vente, transport), une offre variée (choix, prix)... La fonction de détail consiste à remplir l’ensemble des opérations de distribution permettant de satisfaire à cette demande avec ou sans l’aide des grossistes.

Méthodes modernes de distribution

Ces nouvelles méthodes ont touché l’ensemble des opérations de distribution. Elles concernent autant la logistique commerciale que les autres fonctions. On assiste à une modernisation à tous les points de vue:

– celui de la distribution physique des produits grâce aux conteneurs, à l’usage de palettes, de matériels automatiques de manutention, etc., à la rationalisation des méthodes de stockage, à l’optimisation des tournées de livraison, etc.;

– celui des techniques de fractionnement, groupage et conditionnement des produits (packs, films protecteurs, nouvelles formes d’emballage mieux adaptées au libre-service);

– celui des méthodes de vente: généralisation du livre-service, y compris pour les grossistes avec la formule du cash and carry destiné aux détaillants, développement de la vente par téléphone, par catalogue, envois postaux;

– celui des moyens d’étude et d’action commerciales, utilisation par les intermédiaires eux-mêmes d’études de marché, de panels, études d’implantation, de zones de chalandise, d’assortiments..., actions de promotion des ventes, de publicité, de relations publiques, créations de marques au nom du distributeur, information de la clientèle (développement de cellules consommateurs dans l’entreprise);

– celui des techniques de gestion et d’exploitation grâce au développement de nouvelles méthodes dans les domaines de la gestion des approvisionnements et des stocks, du contrôle budgétaire, de la gestion participative du personnel, de la gestion financière et de la gestion des surfaces de vente (magasins, rayons, linéaires). De telles méthodes nécessitent généralement l’utilisation de l’informatique, dont les progrès modifient aussi les conditions mêmes d’exploitation de la distribution (par exemple, la tenue des stocks, les opérations d’enregistrement et de paiement aux caisses, le développement des procédés de lecture optique, l’échange de données informatisées).

Cette transformation des techniques marchandes s’inscrit dans l’évolution des entreprises de distribution vers une pratique de plus en plus générale du marketing. Celui-ci donne priorité à la demande et remplace la séquence «production-commercialisation» par une logique partant du marché. Cette logique se traduit par le développement du merchandising, ou marchandisage, que l’Académie des sciences commerciales définit comme la «partie du marketing englobant les techniques marchandes permettant de présenter dans les meilleures conditions matérielles et psychologiques le produit ou le service à vendre, tendant à substituer à une présentation passive du produit ou du service une présentation active faisant appel à tout ce qui peut le rendre plus attractif». Les techniques principales du merchandising concernent l’implantation du magasin, des rayons, la composition du linéraire, la mise en valeur des produits, et ont pour objet essentiel l’optimisation des ventes et de la rentabilité.

3. Structure et évolution

Les modifications de l’appareil de distribution ont été profondes au cours des dernières décennies. Elles ont touché l’organisation des canaux de distribution par une plus grande intégration des fonctions, la concentration des entreprises de commerce, de plus en plus capitalistiques, la nature de formes de vente s’orientant vers le libre-service.

Le commerce de gros

Au 1er janvier 1991, le commerce de gros représentait en France 64 800 entreprises, dont 30 500 pour l’alimentaire. Si l’on ajoute le commerce de gros industriel, on obtient pour cette forme de commerce 102 900 établissements. De 1987 à 1991, le commerce de gros alimentaire a connu une légère baisse du nombre des entreprises, alors que les commerces de gros non alimentaires et interindustriels voyaient leur nombre croître sensiblement (respectivement de 27 300 à 34 300 et de 31 800 et 38 100). Le commerce de gros occupait, en 1990, 1 005 000 personnes, dont 930 800 salariés, pour un chiffre d’affaires de 2 145 185 millions de francs, en progression constante (3,1 p. 100 de progression en volume, pour l’année 1990).

Un moment menacé par le développement d’importantes centrales d’achat, le commerce de gros a prouvé, selon Jacques Dermagne, qu’il jouait «un rôle irremplaçable dans un certain nombre de filières, et même, ce qui était imprévisible, dans l’approvisionnement des grandes surfaces en libre-service du type hypermarché et supermarché». Qu’il s’agisse des fonctions physiques et logistiques (en particulier des techniques de transport, fractionnement, stockage ou assortiment), des fonctions financières (financement des stocks, crédit, facturation, recouvrement), des fonctions d’information, des fonctions de service (en mettant des techniciens à la disposition des détaillants, en assurant la maintenance ou le service après-vente), de nombreux grossistes ont su s’adapter aux enjeux du commerce moderne. Les principales tendances d’évolution de cette profession sont:

– une concentration de plus en plus importante des entreprises par fusion ou par constitution de groupements de grossistes; il s’agit de disposer d’une taille concurrentielle face aux distributeurs intégrés; le phénomène a conduit certains grossistes à s’affilier à des centrales d’achat, d’autres à prendre l’initiative de regroupements de grossistes et de détaillants sous forme de «chaînes volontaires» guidées par les grossistes; ce mouvement de concentration s’est accompagné d’une évolution des formules de vente, en particulier par la multiplication de cash and carry, qui sont des magasins de libre-service destinés aux détaillants;

– une diminution du nombre d’établissements pour les produits lourds et une augmentation de ce nombre dans les secteurs, de plus en plus nombreux, où le grossiste doit apporter des services de façon de plus en plus rapide à la demande;

– une augmentation sensible des gains de productivité depuis une vingtaine d’années, en particulier grâce au progrès des techniques d’information, de transport et de logistique: créations de plates-formes de stockage et d’éclatement de grande taille, échange de données informatisées entre détaillants, grossistes et fournisseurs, stockage à gestion informatisée, etc.;

– une internationalisation des entreprises, soit par l’exportation de biens, soit par fusion ou absorption, notamment pour un certain nombre de grossistes en équipements interindustriels.

Le commerce de détail

Selon l’I.N.S.E.E., au 1er janvier 1991, le commerce de détail comptait en France 388 300 entreprises (406 500 en 1987), dont 118 000 dans le commerce de biens alimentaires. En 1990, cette forme de commerce occupait 1 668 900 personnes, dont 1 201 000 salariés, et réalisait un chiffre d’affaires de 1 656 754 millions de francs, en progression constante depuis plus de vingt ans (2,9 p. 100 en volume en 1990). Cette progression générale du commerce de détail cache pourtant d’importantes disparités selon les formes de vente, comme le montre le tableau. On observe sur une longue période, d’une part, une baisse sensible du chiffre d’affaires réalisé par le petit et le moyen commerce, ainsi que par certaines formes anciennes de grandes surfaces telles que les grands magasins ou les magasins populaires; d’autre part, une progression très forte des grandes surfaces à dominante alimentaire en libre-service, principalement les hypermarchés et les surpermarchés.

Le commerce de détail peut s’analyser de multiples façons, étant donné la grande variété des entreprises de ce secteur: selon les formes de vente (grands magasins, magasins populaires, hypermarchés, vente par catalogue, etc.), selon la structure juridique (coopératives, concessions, succursales, groupements associatifs, franchises, etc.), selon la longueur du circuit, selon la taille (grand, moyen, petit commerce), selon la forme d’organisation (commerce concentré ou intégré, commerce associé, commerce indépendant). C’est cette dernière classification qui est ici présentée.

Le commerce concentré ou intégré . Au sein de cette forme d’organisation dominent des groupes commerciaux puissants qui réunissent, sous une même unité de direction, des entreprises exploitant des formules différentes et assurent des fonctions de grossiste, généralement par l’intermédiaire de centrales d’achat ou de référencement, et de détaillant.

– Les grands magasins, dont le premier fut créé en 1852 par Aristide Boucicaut à l’enseigne du Bon Marché, regroupent un grand nombre de produits (près de 250 000 références sur une surface moyenne de 5 322 m2 en 1990). Ils ont un assortiment essentiellement non alimentaire mais comportent généralement un supermarché. Localisés en centre-ville, ils furent en leur temps une véritable révolution commerciale (existence d’une centrale d’achat, entrée libre, présentation visuelle des produits, affichage des prix, etc.). Alors qu’à l’origine ils se caractérisaient par des prix bas, ils ont cessé d’être bon marché, en raison de l’élévation de leurs charges et de la concurrence de formes de vente plus productives et plus compétitives. Leur importance dans la distribution n’a cessé de diminuer depuis vingt ans (281 grands magasins en France en 1981, 183 en 1990).

– Les magasins populaires ont été inventés en 1879 par Woolworth aux États-Unis et lancés en France en 1928 (Prisunic). Ce sont aussi des magasins non spécialisés, possédant un assortiment beaucoup plus restreint d’articles de bas et de milieu de gamme. Ils sont situés généralement en centre-ville et ont une surface moyenne de 1 423 m2 avec, dans huit cas sur dix, un supermarché intégré. Cette formule de vente connaît aussi un déclin sensible (685 magasins populaires en 1981, 531 en 1990) et tend de plus en plus à se rapprocher du supermarché classique.

– Les succursalistes sont apparus en France en 1866, dans la région de Reims. Ce sont des entreprises possédant et gérant des chaînes de magasins de détail, surtout alimentaires. La maison mère possède une centrale d’achat (parfois affiliée elle-même à une centrale plus importante) et assume les fonctions de direction. Le succursalisme exploitait il y a encore vingt ans de nombreuses petites surfaces alimentaires. Aujourd’hui, les grandes entreprises succursalistes possèdent de nombreux hypermarchés et supermarchés, à l’instar d’une chaîne comme Casino. Alors que le succursalisme traditionnel, exploitant de petites surfaces indépendantes, a beaucoup décliné, les grands groupes succursalistes exploitant de grandes surfaces en libre-service ont connu une croissance sensible.

– Les coopératives de consommation – créées en 1844, en Angleterre, afin de vendre les produits moins cher à leurs adhérents – ressemblent beaucoup dans leur organisation et leur développement au succursalisme (centrale d’achat, gestion centralisée). Elles regroupent aujourd’hui de nombreux types de commerce, du magasin traditionnel à l’hypermarché, mais ont connu une diminution sensible de leur rôle dans les années quatre-vingt.

– Bien qu’il s’agisse d’une forme de vente pratiquée par d’autres types d’organisation commerciale et par des fabricants, il est légitime de classer les firmes de vente par catalogue dans le commerce intégré, car les plus importantes d’entre elles assurent des fonctions de gros et de détail et possèdent leur propre centrale d’achat. La vente par catalogue à assortiment général maintient, de 1980 à 1990, sa part de marché dans la distribution des produits non alimentaires autour de 2 p. 100 (1 p. 100 pour l’ensemble des produits commercialisables), alors qu’elle est de près de 4,5 p. 100 en Allemagne et de 3,5 p. 100 au Royaume-Uni.

– Les entreprises exploitant des hypermarchés et des supermarchés doivent, en raison de leur originalité et de leur part de plus en plus importante dans le commerce, être classées séparément. Elles ont été développées autant par des sociétés indépendantes spécialisées dans cette forme de commerce que par des succursalistes ou des groupements et coopératives de détaillants. Les supermarchés ont été inventés après la crise de 1929, aux États-Unis, par Michael Cullen. À l’origine, il s’agissait de magasins peu luxueux installés en périphérie. Aujourd’hui, le supermarché est un magasin en libre-service réalisant au moins deux tiers de ses ventes en produits alimentaires et d’une surface de vente comprise entre 400 et 2 500 m2. La formule de l’hypermarché est apparue en France en 1963. C’est un magasin en libre-service à dominante alimentaire et d’une surface de vente supérieure à 2 500 m2, situé en périphérie dans la grande majorité des cas. En 1991, le pays comptait 6 650 supermarchés, d’une surface moyenne de vente de 982 m2, installés aussi bien en centre-ville qu’en périphérie, et 854 hypermarchés, d’une surface moyenne de 5 410 m2; en 1970, ces magasins étaient respectivement 1 072 et 26. De 1980 à 1990, le parc des grandes surfaces s’est accru chaque année en moyenne d’une quarantaine d’hypermarchés et de 300 supermarchés. Cette forme de commerce a donc connu une croissance très forte depuis vingt ans, réalisant en 1991 près de 30 p. 100 des ventes au détail de produits commercialisables et plus de la moitié (52,4 p. 100) des ventes de produits alimentaires. Malgré la loi Royer du 27 décembre 1973 et les décrets successifs tendant à freiner la prolifération des grandes surfaces, en soumettant leur création (à partir de 1 000 ou 1 200 m2, suivant la taille de l’agglomération) à des commissions départementales d’urbanisme qui sont apparues particulièrement malthusiennes (rejet de la majorité des dossiers, poussant les entreprises à multiplier les demandes), les grandes surfaces à dominante alimentaire ont été, selon Francis Amand et Claudine Laguzet, «l’élément essentiel de l’évolution du commerce de détail en France».

Leur succès tient autant à la formule de vente elle-même qu’à la puissance des centrales d’achat qui les approvisionnent. À l’origine, hypermarchés et supermarchés étaient principalement caractérisés par la présence d’un assortiment large, comportant des produits à tous les niveaux (haut, milieu, bas) de la gamme, mais peu «profond», c’est-à-dire ayant un nombre de références limité à chacun de ces niveaux. Le circuit court et la puissance d’achat qui caractérisaient ces chaînes leur permettaient de proposer des prix très compétitifs. Aujourd’hui, la plupart des villes françaises ont un équipement très dense en hypermarchés et supermarchés. Certaines sont même saturées. Cela a provoqué un important mouvement de concentration des entreprises (par exemple, rachat de Montlaur et d’Euromarché par Carrefour, en 1991) et des stratégies très différenciées. Certaines chaînes, telles que Leclerc ou Intermarché, ont gardé pour axe de développement stratégique les prix les plus bas; d’autres, comme Auchan, se sont spécialisées dans les grandes surfaces (plus de 10 000 m2) avec un assortiment large et profond; d’autres enfin, comme Carrefour ou Casino, ont cherché à créer un «hypermarché qualitatif», en axant leur développement sur le service, la qualité de présentation, une gamme peu profonde et une forte présence de marques de distributeurs. Le phénomène le plus récent et le plus important caractérisant cette formule de vente est l’apparition de supermarchés ne distribuant que des produits basiques à forte rotation (de l’ordre de 500 références) sur une surface réduite (environ 600 m2). Ces supermarchés, qu’on appelle hard discounters , se situent généralement dans les villes et jouent sur des prix très faibles, des volumes importants, la faiblesse du choix (offre concentrée) et la lisibilité de l’offre, qui facilite l’achat. Ce phénomène inquiète certaines grandes enseignes françaises d’hypermarché, car le succès remporté par ces hard discounters, venus principalement de la distribution allemande (Aldi, Lidel, Norma), peut constituer une très forte concurrence dans la distribution alimentaire.

Les centrales d’achat constituent des structures exploitées par un ou plusieurs distributeurs, détaillants ou grossistes, dont la fonction est de négocier les achats auprès des fournisseurs au nom de l’ensemble des sociétés auxquelles elles appartiennent ou qui, moyennant un paiement, s’y affilient. On distingue des centrales d’achat et des centrales de référencement. Les premières passent les commandes au nom de leurs adhérents et se chargent des transactions avec les fournisseurs; les secondes sélectionnent les fournisseurs, négocient les conditions d’achat et recommandent les plus performants (référencement) à leurs adhérents. Pour obtenir des conditions toujours plus avantageuses, les centrales d’achat tendent à s’internationaliser. Plusieurs accords ont eu lieu à l’échelle européenne: par exemple, Casino (France), Argyll (Grande-Bretagne), et Ahold (Pays-Bas) ont créé une «eurocentrale» nommée A.M.S. (Associated Marketing Services); Carrefour (France), Metro (Allemagne), Asda (Grande-Bretagne), et Makro (PaysBas) sont associés dans la centrale Deurobuying, etc. La puissance de ces centrales associées inquiète de nombreux producteurs, tant elles peuvent peser sur les conditions d’achat et les rendre dépendants. À l’inverse, ces grands ensembles concentrés peuvent permettre aux producteurs de signer des contrats à long terme garantissant des débouchés réguliers.

– Enfin, il faut citer les grandes surfaces spécialisées non alimentaires. Leur développement constitue aussi l’un des faits marquants de la dernière décennie. Ce sont des grandes surfaces de vente en libre-service pratiquant les techniques du merchandising et spécialisées dans un secteur (bricolage, électroménager, jouets, sports, équipements ménagers, chaussures, vêtements, meubles). Ce grand commerce spécialisé représentait, en 1990, 22 p. 100 du chiffre d’affaires du commerce spécialisé non alimentaire (hors pharmacie) contre 12 p. 100 en 1980, et sa part de marché continue de croître.

Le commerce indépendant associé . Il est formé par des entreprises qui, en gardant leur indépendance juridique, se groupent sous des formes diverses pour bénéficier dans leurs opérations de distribution d’un pouvoir économique accru, notamment en ce qui concerne les achats. On y distingue plusieurs formes d’association.

– Les chaînes volontaires sont des associations constituées par des détaillants autour d’un ou plusieurs grossistes pour cumuler et coordonner les fonctions de gros et de détail. Le schéma le plus souvent retenu est celui d’une société commerciale créant une centrale et associant un ou plusieurs grossistes et un réseau de détaillants qui s’engagent à effectuer un pourcentage donné de leurs achats auprès du grossiste. Les chaînes volontaires ont vu leur poids considérablement baisser au profit du succursalisme et de la franchise (par exemple, disparition de Sopegros).

– Les groupements de détaillants sont des associations de détaillants réunis sous forme de coopératives commerciales dont les actionnaires conservent leur indépendance juridique et financière. Ces commerçants achètent en commun de grandes quantités aux producteurs, et l’organisation qui résulte de leur regroupement, comportant en particulier une centrale d’achat, des plates-formes de stockage et d’éclatement et des moyens logistiques modernes, permet aux adhérents d’obtenir des assortiments et des prix compétitifs. Ces mouvements sont soit des coopératives de détaillants classiques (Codec, Système U), soit des mouvements organisés selon les modalités qui leur sont propres (Leclerc, Intermarché). Certains, comme Système U, exploitent de nombreux formats de magasins; d’autres, comme Leclerc, des supermarchés et hypermarchés; d’autres, enfin, essentiellement des supermarchés (Intermarché). Sous l’impulsion de grandes enseignes, comme Leclerc et Intermarché, la part de marché de ces mouvements d’indépendants dans le chiffre d’affaires du commerce de détail s’est fortement accrue dans les années quatre-vingt, pour atteindre, selon une estimation de La France des commerces , 17,7 p. 100 en 1990. Le chiffre d’affaires des groupements Leclerc et Intermarché se situe en tête des sociétés exploitant des hypermarchés et supermarchés, avec environ 100 000 millions de francs de chiffre d’affaires chacun. Leur succès est principalement fondé sur une stratégie très simple de prix bas et sur l’exploitation de la formule du supermarché, devenue particulièrement adaptée à une époque où il est de plus en plus difficile d’installer des hypermarchés (saturation de ce type de magasin dans les grandes villes).

– La franchise constitue une forme spécifique d’association. Elle lie un producteur ou un distributeur, le «franchiseur», détenteur d’une marque ou d’une enseigne connue, à des détaillants «franchisés», auxquels il concède son nom et des services, moyennant certaines contreparties financières. Pour le franchiseur, la formule permet une expansion rapide sans capitaux trop importants, alors que le franchisé, sans perdre toute son indépendance, accède à des méthodes qui seraient hors de sa portée dans les domaines des achats, des méthodes de gestion et de communication. Selon une estimation du Cecod (Centre d’étude de la commercialisation et de la distribution), la franchise réaliserait 7 p. 100 du chiffre d’affaires du commerce de détail en 1990. Avec 600 réseaux et 33 000 franchisés en 1992, la France se plaçait au premier rang européen.

Le commerce indépendant non intégré . Il est constitué d’entreprises qui n’ont aucun lien avec des organismes coordonnateurs ou centralisateurs pour leurs activités d’achat et de vente. Il s’agit généralement de commerces spécialisés. Le commerce de détail indépendant isolé a régulièrement perdu de son importance au profit du grand commerce intégré ou associé. En 1988, le petit ou moyen commerce occupait encore 67,1 p. 100 des effectifs totaux et représentait 48,7 p. 100 du chiffre d’affaires du commerce (58,1 p. 100 en 1983). Le petit commerce d’alimentation générale a été le plus touché par ce recul, les détaillants indépendants résistant mieux dans le domaine non alimentaire. Beaucoup d’entreprises du petit commerce ont disparu, d’autres ont choisi d’adhérer à des groupements d’achat coopératifs, succursalistes ou associatifs, à des chaînes de franchise, ou bien se sont déplacés dans des centres commerciaux.

Le développement des centres commerciaux a été constant depuis vingt-cinq ans (10 centres commerciaux en 1967, 230 en 1975, 349 en 1980, 555 en 1990). Ils regroupent des grandes surfaces, des entreprises de service et des détaillants et sont conçus et gérés comme une unité. Ils représentaient en 1990, selon l’Institut du commerce et de la consommation, 11 millions de mètres carrés de surfaces de vente et se caractérisent par une grande variété de magasins (de 20 à plus de 100), appartenant à toute forme de commerce, et des facilités d’accès et de stationnement. Ils s’ouvrent en centre-ville, dans le cadre d’opérations de rénovation urbaine, ou en périphérie. Certains de ces centres, par leur importance, attirent une clientèle en provenance d’une région entière. La fréquentation des centres commerciaux constitue un phénomène qui ne peut être analysé qu’en relation avec l’évolution des styles de vie des consommateurs; ceux-ci les considèrent autant comme des lieux d’achat que comme des espaces de promenade et de loisirs. Un certain type de centres commerciaux, réunissant des magasins d’usine, a vu le jour en 1987. Leur vocation est de vendre des produits en provenance directe des industriels ou des produits dégriffés, invendus, de second choix, discountés. Ce dernier type de centre n’a pas trouvé de positionnement clair pour les consommateurs et n’a pas connu le succès attendu.

Il faut enfin souligner le développement d’autres formes de vente, plus ou moins importantes suivant les secteurs économiques, telles que la vente directe par les producteurs, la vente à domicile, la vente par délégué ou le paracommercialisme (vente par l’intermédiaire des collectivités, comités d’entreprise, etc.).

En conclusion, l’évolution de l’appareil commercial français dépend de deux facteurs importants pour sa compétitivité: l’internationalisation de la distribution et l’avènement des formes diverses de vente électronique. Les stratégies des distributeurs se construisent de plus en plus souvent en référence au marché international. Cette expansion internationale répond à plusieurs besoins: former les groupes ayant une forte puissance financière, acheter dans des conditions de négociation avantageuses, employer de façon productive des moyens technologiques coûteux, diversifier les risques encourus. Les stratégies sont variables: «exportation» d’une formule de distribution ayant connu un succès national, par exemple la formule française de l’hypermarché en Espagne, où les trois leaders sont Continente (Promodès), Al Campo (Auchan) et Pryca (Carrefour), ou encore l’arrivée des hard discounters allemands en France et de grands magasins spécialisés étrangers, tels qu’Ikea (Suède) et Habitat (Grande-Bretagne) dans le meuble, ou Toys’n’us (États-Unis) dans les jouets; association ou coopération avec un distributeur étranger dans le cadre de certaines fonctions définies – centralisation des achats (centrales européennes), développement en commun d’une formule de vente – ou bien par rachat d’une firme de distribution étrangère (celui par exemple des hypermarchés Plaza, en Allemagne, par Continent, en 1990). Il semble que la réussite de la stratégie d’internationalisation dépende en grande partie de la clarté du format de magasin et de son adaptation aux besoins des consommateurs du pays d’accueil.

L’utilisation d’outils modernes de vente électronique est contrastée: d’une part, on a assisté à une utilisation très importante et efficace d’outils de vente électroniques en liaison avec les techniques de marketing et de merchandising; d’autre part, en dehors du secteur de la vente par catalogue, les opérations de téléachat, essentiellement en raison de freins d’ordre juridique, n’ont pas connu le succès attendu. Pareillement, le supermarché à domicile, système de vente à distance avec un assortiment de huit cents références présentées dans un catalogue, prise de commande à distance et livraison à domicile, a connu un certain nombre d’échecs, et cette forme de vente demeure tout à fait marginale.

Les causes de l’évolution

Les explications de l’évolution de l’appareil commercial ne manquent pas. De nombreux auteurs ont proposé des théories ou des modèles d’évolution des formes ou des circuits de distribution.

Les approches mécanistes peuvent être illustrées par la théorie de la «roue du commerce» de détail suggérée dès 1958 par Mac Nair: celui-ci relevait que les nouveaux commerçants innovent toujours en entrant sur le marché au moyen de marges et de prix faibles et prennent les positions tenues par les commerces en phase de maturité qui offraient plus de services, avaient des marges plus élevées et des charges plus lourdes. Puis, les nouveaux arrivants suivent le même chemin que leurs prédécesseurs (accroissement des prix, du service et des marges) et sont à leur tour attaqués par des formes de commerce pratiquant une politique de discount. Hollander, en 1960, compléta cette théorie en introduisant les variations suivies par l’assortiment dans cette évolution. Cette approche mécaniste est utile pour comprendre l’apparition de certaines formes nouvelles de distribution, mais ne fournit pas d’explication générale du phénomène.

Les approches fonctionnelles insistent sur la capacité des membres du canal à assurer les fonctions de la distribution. La répartition des fonctions entre eux dépend de leur aptitude à assumer celles-ci de la façon la plus efficace. L’évolution d’un canal et l’apparition de nouveaux membres sont expliquées par référence à ce processus de réallocation de fonctions entre les participants au canal. Cette approche conduit à étudier les gains de productivité et la structure optimale d’un canal, à repérer les coûts et les effets inflationnistes dans la distribution, mais elle ne fournit qu’une explication partielle de son évolution.

Les approches environnementales tendent à considérer le canal de distribution comme un sous-système intégré dans un système plus large, composé de nombreuses variables sociologiques, économiques, institutionnelles. L’évolution de l’appareil de distribution ne peut alors être comprise sans prendre en compte l’évolution du niveau de vie et des désirs des consommateurs, le progrès technique, les modifications de l’urbanisme, le développement des transports ou du travail féminin, les changements juridiques, etc. Cette approche très large fournit un faisceau d’explications mais ne permet pas de prévoir l’évolution future en raison de son caractère très général.

Les approches comportementales (béhavioristes) s’attachent à analyser les relations et les comportements des agents dans le canal. Elles insistent particulièrement sur les relations de pouvoir, le leadership, la coopération et les conflits entre agents. Le canal de distribution est conçu comme un «système interorganisationnel» dont les composants sont interdépendants. L’efficacité du canal dépend de la capacité des agents à coordonner leurs activités, à résoudre leurs conflits. Son fonctionnement et son évolution sont analysés à partir de ce degré de coordination, du management du canal (domination d’un élément), du rôle joué par chaque agent dans la gestion des flux de distribution (physiques, financiers...).

Plus récemment, des modèles d’économie politique, intégrateurs de ces diverses approches, ont été proposés, notamment par L. Mac Alister ou W. Stern et T. Reve. Ils mettent en relation le fonctionnement du canal (économie politique interne) et son environnement (économie politique externe). L’économie analyse les structures et processus économiques tandis que la politique étudie en particulier les comportements et le climat des transactions.

Les progrès théoriques effectués depuis trente ans permettent de mieux expliquer l’évolution des canaux et formules de distribution, mais ils fournissent aussi des concepts et méthodes intéressants pour prévoir cette évolution et même, dans certains cas, pour prédire les chances de succès d’un nouveau format de magasin ou d’un nouveau mode de distribution.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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